samedi 29 mai 2010

Chronique d’une mort annoncée... publiquement.




Le magazine Urbania a publié en avril 2010 son numéro sur les médias sociaux. Un appel avait été fait dans le public pour des textes de "faits vécus" impliquant Facebook. Voici le texte que j'ai soumis mais qui n'a malheureusement pas été publié.

Chronique d’une mort annoncée... publiquement.
Anne ne porte plus à terre. Jeune professionnelle dans le début trentaine, on pourrait dire de cette petite brunette qu’elle est plutôt bien roulée. Et là, ses grands yeux noisette rêvassent. Juste après l’Halloween, elle a rencontré SON prince charmant et maintenant, elle vit le grand amour. Depuis le temps qu’elle le cherche, l’espère, l’attend...Cette fois-ci, elle le sent, c’est le bon : cultivé, drôle, entrepreneur accompli, à l’aise financièrement, beau bonhomme, amusant au lit, juste assez geek pour être mignon et célibataire depuis 1 an. Son seul défaut, me confie-t-elle : « Il publie son quotidien sur Facebook ».

En effet, dès que Monsieur a quelques secondes de libre, hop, il met à jour son profil....et ce, des dizaines de fois par jour! Tout y passe : ses états d'âme, son plus récent voyage dans les laurentides,  le « steak de dieu » qu'il a mangé avec son associé ou même les difficultés qu'il à faire isoler son chalet. « Mais bon, il est tellement parfait! Et je l’aiiiiiiiiiiiiime » ajoute-t-‘elle avec empressement.

C’est la veille de Noël. Qui suis-je pour torpiller ce bonheur si parfait de ma meilleure amie? Et ce même si je trouve atroce le fait qu’il s’étale ainsi aux yeux de tous tel un « reality show »? Toutes les armées du monde font une trêve à Noël. Je décide de me taire.

Après quelques semaines, il semble que mes appréhensions soient non fondées. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mon amie mène une vie trépidante, bien remplie et surtout bien documentée dans le profil de son doux. Et, à voir les photos du couple prises au chalet en mode après-ski ou avec des amis au resto et, bien entendu, publiées dans le profil de Monsieur Statut, tout me semble rose bonbon. C’est donc sans surprise que j’accueille la nouvelle lorsque mon amie me confie qu’ils ont commencé à parler de s’acheter un condo pour juillet.

Le soir de la St-Valentin, Monsieur Statut contemple Anne étendue sur son lit simplement vêtue d’un ensemble de lingerie qui pourrait nous faire croire qu’elle sort directement d’une pub d’Agent provocateur. Dans un élan, il lui demande alors ce qui lui ferait plaisir. Coquine, la belle s’exclame : « C’est la St-Valentin, j’aimerais que tu prennes ton portable et que tu fasses la mise à jour de ton profil Facebook pour dire que tu es dans une relation avec moi. » Monsieur Statut, panique et refuse. Kaboom!

Le geste est trop grand pour Monsieur Statut qui n’est toujours pas revenu de la peine qu’il avait eue un an plus tôt alors qu’il avait dû avouer à ses « webspectateurs » que sa relation venait de se terminer. Booooooom!
Dévastée, Anne, n’en revient pas et rentre chez elle le cœur en mille miettes. Et dire que la veille, ils avaient passé la soirée à discuter de prénoms pour leur future progéniture! Monsieur Statut assez en amour pour entretenir son spectacle quotidien, mais pas assez pour s’engager, même virtuellement...Les deux décident finalement de s’accorder un peu de temps pour réfléchir à la situation.

Quelques jours après l’épisode, Anne reçoit dans sa boîte courriel sur Facebook, un mot de Monsieur Statut. N’ayant pas eu le courage de la voir ou même de l’appeler, il a décidé de la quitter via Facebook. Big badaboooom...

Comble de tout, Monsieur Statut fera, durant les jours qui suivront, des mises à jour de son profil Facebook sur ses états d’âme en peine. Show must go on, - comme on dit...

Caroline Cloutier

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